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Droit en France : le Conseil d'État renforce le contrôle exercé par le juge administratif sur la situation des détenus

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Publié le 19 décembre 2007
Par trois arrêts rendus le vendredi 14 décembre 2007, le Conseil d'État a étendu son contrôle sur plusieurs actes administratifs affectant la situation des détenus. Ces arrêts ont été pris par l'Assemblée du contentieux, soit la formation la plus solennelle de la Haute Juridiction.

La Haute juridiction a limité le domaine des mesures d'ordre intérieur qui sont assez nombreuses eu égard aux contraintes liées au statut des établissements pénitentiaires. Selon le communiqué de presse, la Haute juridiction « pose clairement le principe selon lequel, pour savoir si une catégorie de décisions de l’administration pénitentiaire est ou non susceptible de recours pour excès de pouvoir, il convient d’apprécier sa nature ainsi que l’importance des effets de ces décisions sur la situation des détenus ».

Le déclassement d'un détenu d'un emploi au sein d'un établissement pénitentiaire

La première concernait le déclassement du sieur Planchenault de son emploi d’auxiliaire de cuisine. Son recours a été rejeté en première instance qu'en appel, les premiers juges ayant estimé qu'il s'agissait là d'une mesure d'ordre intérieur.

L'Assemblée du contentieux a censuré la position prise telle qu'elle était issue de l'actuelle jurisprudence. Elle a jugé qu'eu égard « à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de déclassement d’emploi constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir (…) il en va autrement des refus opposés à une demande d’emploi ainsi que des décisions de classement, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ».

En revanche, elle a rejeté le recours sur le fonds en estimant, compte tenu du comportement de l'intéressé dans son emploi, que la décision n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation. Cette dernière terminologie indique que le juge exerce un contrôle restreint sur ce type de décision. Ce contrôle se limite donc à l'appréciation d'une erreur grossière et évidente.

Le changement d'affection d'un détenu

La deuxième affaire concerne le changement d'office d'affection concernant un détenu. Monsieur Boussouar contestait son transfert de la maison centrale de Saint-Maur à la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis. Ayant obtenu gain de cause devant la Cour administrative d'appel, le Garde des Sceaux s'est pourvu en cassation.

Toujours dans cette même optique, l'Assemblée du contentieux a estimé que « pour déterminer si une décision relative à un changement d’affectation d’un détenu d’un établissement pénitentiaire à un autre constitue un acte administratif susceptible de recours pour excès de pouvoir, il y a lieu d’apprécier sa nature et l’importance de ses effets sur la situation des détenus ». Ainsi, il revient au juge, à peine de censure de sa décision, doit « apprécier la nature et les effets ».

Ainsi donc, « eu égard à sa nature et à l’importance de ses effets sur la situation des détenus, une décision de changement d’affectation d’une maison centrale, établissement pour peines, à une maison d’arrêt constitue un acte administratif susceptible de faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir et non une mesure d’ordre intérieur. (…) Il en va autrement des décisions d’affectation consécutives à une condamnation, des décisions de changement d’affectation d’une maison d’arrêt à un établissement pour peines ainsi que des décisions de changement d’affectation entre établissements de même nature, sous réserve que ne soient pas en cause des libertés et des droits fondamentaux des détenus ».

Les magistratats ont, en outre, substitué un autre motif avancé par la Cour administrative d'appel de Paris, en matière de motivation des actes administratifs. Une telle décision doit être motivé car elle impose des sujétions mais ne figure pas au nombre de celles qui « restreignent l’exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ».

Enfin, il résulte des termes de l’article 24 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec l’administration, que l'intéressé doit être en mesure de présenter ses observations, confirmant ainsi le motif énoncé par le juge d'appel.

Le régime de rotation de sécurité

La dernière affaire portait sur le régime de rotation de sécurité dont faisait l'objet le sieur Payet, détenu ayant commis plusieurs tentatives d'évasion.

Ce régime avait été institué par voie infra-réglementaire afin d'éviter à certaines catégories de détenus de pouvoir élaborer des plans d'évasion. Ainsi, M. Payet avait fait l'objet de 23 changements d'affectation en 4 ans. Il avait donc contesté cette mesure de rotation de sécurité dans le cadre d'une procédure de référé-suspension. Le Tribunal administratif de Paris ayant rejeté le recours, l'intéressé s'est donc pourvu en cassation. Un mois après, il a réussi à s'évader de prison pour être repris deux mois après.

Tout comme les deux autres arrêts, le Conseil d'État juge « qu’une telle décision, qui institue un régime de détention spécifique, ne constitue pas une mesure d’ordre intérieur mais une décision administrative susceptible de recours pour excès de pouvoir ». Il reconnaît l'existence de cette décision à son égard compte tenu du nombre important de changement d'affection.

Le recours a été cependant rejeté pour son défaut de caractère d'urgence compte tenu de des tentatives du détenu de se soustraire à l'accomplissement de sa peine.

Il restera au juge d'apprécier le fond du dossier, une mesure prise en référé ne préjuge, en rien, de la solution qui sera retenue.

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